Devant son stand à la 19e édition du Salon national de l’artisanat du Bénin (SNAB), Frank discute le prix avec ses derniers clients. Le quinquagénaire propose au public des chaises, tables, tabourets, canapés et essuie pieds fabriqués à base de raphia tissé et du bois. Ces œuvres, il a appris à les concevoir depuis près d’une vingtaine d’années après un accident de moto en 2003. 

« Avant, j’étais mécanicien, mais après avoir perdu l’usage de mes yeux dans un accident de la circulation, je suis allé voir des sœurs de l’Église catholique pour qu’elles puissent m’apprendre un métier. Je n’aimerais pas trouver refuge dans les feux tricolores pour mendier. Mon handicap ne peut pas m’empêcher de travailler », confie-t-il. 

Après 3 ans de formation, Franck quitte le Centre de formation professionnelle des personnes handicapées (CFPPH) d’Allada, commune située dans le département de l’Atlantique au Sud du Bénin. À Sèmè-Kpodji où il habite dans une modeste chambre, l’homme transforme la cour en atelier après une saison sabbatique. 

« Je me suis lancé véritablement en 2019. Lorsque j’ai fini la formation, je n’ai pas vite commencé la pratique faute de moyen d’installation. Je n’ai pas de soutien. Je passais d’église en église pour joindre les deux bouts », témoigne-t-il.

Un jour, Franck fait la rencontre d’un menuisier avec qui il scelle un partenariat d’affaires : « Je lui ai proposé d’utiliser ses bois pour me fabriquer les structures et je fabrique les meubles. Et après chaque vente, je lui rembourse ses sous, le reste me revient ». Grâce à ses voisins et au menuisier, Franck visualise les modèles commandés par ses clients. 

En 2019, alors qu’il venait de partager des photos de ses œuvres dans un groupe WhatsApp, le handicapé visuel est détecté par des responsables du Fonds de développement des arts et de la culture (FDAC) et de la Chambre des Métiers et de l'Artisanat du Bénin. Depuis 2020, il bénéficie, de la part de ces derniers, de stands gratuits lors des expositions sur divers évènements. Des occasions qui lui permettent de vendre au public son talent. 

Le handicapé visuel remporte son premier prix, en 2023, lors de sa participation à l’édition 2023 du Marché International de l'Artisanat du Togo (MIATO). «  J’ai remporté le prix de l’innovation. Ils ont dit que ce que j’ai proposé comme articles sont magnifiques », confie-t-il. 

En octobre 2024, Frank reçoit une surprise qui lui paraît mémorable, la visite de la ministre des affaires sociales et de la microfinance, Véronique Tognifodé dans son atelier. « Son passage reste gravé dans ma mémoire. C’était un moment fort pour moi, un symbole de soutien et d'encouragement pour les artisans du Bénin, en particulier les personnes en situation de handicap », se remémore-t-il, très ému. 

L’artisan, handicapé visuel, rêve de mettre en place un centre de formation afin de former d’autres jeunes béninois, particulièrement, ceux en situation de handicap dans le domaine. Il en appelle aux bonnes volontés.

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