Pendant longtemps, le Bénin a été considéré comme un pays sans intérêt pour les groupes extrémistes violents. Mais, depuis 2021, le Nord du pays est devenu le théâtre d’incursions de groupes armés terroristes. Dans une étude de l'ISS, codirigée par Jeannine Ella Abatan et William Assanvo, il a été montré que certaines activités illicites ont favorisé les stratégies utilisées par « les groupes extrémistes violents pour mobiliser des ressources humaines, financières, opérationnelles et logistiques au Bénin ».
Contrebande de carburant
L’une des activités illicites est la contrebande du carburant. « Kourou-Koualou a servi pendant de nombreuses années de lieu de dépôt pour le carburant de contrebande provenant du Bénin ou transitant par le pays », indique l’étude. Selon les chercheurs, le litige territorial opposant le Bénin et le Burkina Faso sur la souveraineté de cette zone s'est pendant longtemps traduit entre autres par l’absence d’autorités nationales sur le terrain. Ce qui a contribué à faire de Kourou-Koualou une zone de non-droit.
Les chercheurs ont indiqué que « le carburant alimentait la consommation dans la zone frontalière et était acheminé au Burkina Faso, au Togo, voire jusqu’au Niger ». Ils estiment que la présence de groupes extrémistes violents à Kourou Koualou a favorisé « la contrebande de carburant grâce à l’alliance d’intérêts qui s’est établie entre ces derniers et les trafiquants de carburant ». Ainsi, selon plusieurs interlocuteurs rencontrés, « les groupes assuraient la « sécurité » contre les braqueurs et contre tout retour ou toute présence des forces de défense et de sécurité, ce qui permettait au trafic de se dérouler en toute quiétude ».
La collaboration avec les trafiquants de carburant dans la zone de Kourou-Koualou a offert aux extrémistes violents la possibilité de se procurer du carburant. Elle leur a aussi permis de mobiliser des ressources financières grâce à une contrepartie versée par les trafiquants en échange de services de protection et de sécurisation de la zone de trafic.
La chasse illégale
Avec la gestion des parcs de la Pendjari et du W par African Parks Network (APN), des restrictions sont imposées. Elles ont joué « un rôle dans l’émergence de tensions avec les populations riveraines des parcs de la Pendjari et du W ». L’étude renseigne que ces tensions ont engendré un climat de méfiance entre les gestionnaires et certaines populations dans des localités riveraines des parcs dans les départements de l’Atacora et de l’Alibori.
Les chercheurs rapportent que cette situation a poussé des chasseurs refractaires au changement dans cette zone à se rendre dans la partie burkinabè du parc d’Arly afin de continuer à pratiquer leur activité. Cela a été rendu possible par « l’établissement d’une collaboration avec des individus armés membres de la mouvance « djihadiste » opérant dans l’Est du Burkina Faso ». L'étude revèle qu'en collaborant avec ces chasseurs, notamment dans le parc d’Arly, les extrémistes violents ont pu recruter dans leurs rangs pour les ravitailler en produits alimentaires, parfois issus de la chasse illégale (viande séchée).
Le trafic de drogues
Les données recueillies, par les chercheurs, indiquent « une implication des groupes extrémistes opérant à la frontière entre le Bénin et le Burkina Faso, et plus précisément autour de Kourou-Koualou, dans le trafic de produits stupéfiants ». L’étude de l'ISS met en relief deux principaux produits qui font l’objet d’un trafic dans la zone couverte. Il s’agit du tramadol et du chanvre indien. L’étude fait savoir que leur consommation y est répandue, particulièrement au sein de la jeunesse, notamment chez les ouvriers agricoles, les orpailleurs, les bergers et parmi certains « zémidjans » (conducteurs de taxi-moto). Les chercheurs disent avoir noté « un lien particulièrement fort » entre orpaillage et trafic de drogues dans le département de l’Atacora.
L'étude a aussi mis en lumière des risques liés à l’orpaillage clandestin et au trafic d’armes et de munitions.
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Geoffroy
il y a 1 an