Mathias Hounkpè
Au Bénin, une proposition de révision de la Constitution est à l’étude à l’Assemblée nationale. Présentée par deux députés de la mouvance présidentielle, elle prévoit l’instauration d’un Sénat, deuxième chambre du Parlement. L’idée divise la classe politique et suscite des débats au sein de l’opinion publique. Le politologue Mathias Hounkpè, administrateur de programmes à OSIWA (Open Society Initiative for West Africa), veut contribuer au débat à travers une série de chroniques intitulées « Un Sénat au-dessus du peuple ? ». La première, publiée le 12 novembre 2025 sur sa page Facebook, porte sur « Réformer en fin de mandat : une question d’opportunité politique ».
Dans son analyse, il reconnaît que « l’idée d’introduire un Sénat au Bénin pourrait, en théorie, renforcer la représentation territoriale et améliorer la qualité du travail législatif ». Cependant, il invite à s’interroger sur le moment et les conditions de la réforme. « À ce stade du cycle politique, la question n’est pas tant celle du “quoi” que celle du “quand” et du “comment” », écrit-il. Il souligne que les réformes menées en fin de mandat suscitent « presque toujours la suspicion ».
Selon lui, « l’histoire politique récente du continent africain montre qu’elles sont très rarement, voire jamais, perçues comme neutres : souvent interprétées comme des manœuvres de repositionnement ou de verrouillage, elles fragilisent la confiance entre gouvernants et gouvernés ». Hounkpè observe que le processus en cours « ne semble pas échapper à cette logique », évoquant « la précipitation et le caractère quasiment non inclusif » de la démarche.
Le politologue met aussi en garde contre les perceptions d’intérêt personnel. « La perception que le président sortant pourrait tirer bénéfice de la réforme – notamment en pérennisant son empreinte politique – alimente les interrogations », note-t-il. Pour lui, « toute apparence d’avantage personnel affaiblit la légitimité de la démarche, quelle qu’en soit la pertinence institutionnelle ».
Hounkpè prévient aussi sur le risque d’un Sénat dominé par la majorité au pouvoir. « Si la tendance actuelle se poursuit au niveau électoral, la coalition au pouvoir pourrait remporter, en 2026, la présidence de la République ainsi que 100 % des sièges de l’Assemblée nationale », explique-t-il. Une telle configuration, prévient-il, « risque d’accentuer la concentration du pouvoir au lieu d’élargir la représentativité ».
Pour lui, « en démocratie, la légitimité d’une réforme tient autant à son contenu qu’à son contexte ». La prudence et la concertation apparaissent ainsi, selon ses mots, comme « des conditions de confiance et de pérennité des réformes ».
Pour rappel, selon les porteurs de cette réforme constitutionnelle, veut instaurer une période de trêve politique et mettre en place une institution chargée de rapprocher, voire d’arbitrer, les positions politiques divergentes. Cette chambre serait, pour eux, un instrument de concertation nationale favorisant une action publique plus efficace et consensuelle.
Ainsi, le Sénat aurait pour mission de veiller à la stabilité politique, à la continuité de l’État et à un débat contradictoire constructif. Elle devrait œuvrer aussi à la promotion de mœurs politiques conformes aux intérêts supérieurs de la Nation, à l’unité et à la cohésion nationales, au développement durable et à la paix sociale. Il serait également chargé de renforcer les libertés publiques, la bonne gouvernance et la concorde nationale, dans une perspective de développement humain équilibré et durable.
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