First king Junior, amateur de la cuisine traditionnelle
Depuis Azonlihoué, dans la commune d'Athiémé, département du Mono, First King Junior incarne une nouvelle inspiration pour la jeunesse béninoise. Tête fréquemment rasée, sourire facile laissant voir sa brèche, il ressemble bien à l’artiste lyriciste First King. C'est d'ailleurs ce qui lui a valu son pseudonyme.
Ce jeune a laissé sa passion culinaire prendre le dessus sur son métier de vitrier « pas rentable » dans son village. Une passion qu’il a hérité de sa famille. « Dans ma famille, tout le monde fait la cuisine. Notre mère nous a tous appris à faire la cuisine. Toutes mes tantes vendent de la nourriture au bord des routes», fait savoir Frist King Junior.
Depuis janvier 2025, ses vidéos diffusées sur les réseaux sociaux le propulsent au rang de phénomène gastronomique béninois, et ce, loin des codes de la cuisine jugée "moderne".
Le personnage caché derrière First King Junior
La trentaine, First King Junior est plus qu’un cuisinier atypique. Derrière l’image du jeune homme en débardeur rouge, brandissant des ustensiles de cuisine dans ses vidéos, se cache Igor Togbé : marié et père d’un petit garçon.
À la maison, il se veut autant père que mari attentionné. Dans son quotidien, famille et cuisine, sans jamais cesser de chercher à donner du sens à ses choix. La pâte de maïs accompagnée de sauce graine et crincrin est son repas préféré. Son sport favori, c'est le football et il se revendique «bon ailier droit».
Sur la cour de sa maison sans clôture au milieu des champs et des pieds de palmier à huile, l’homme qui se réclame défenseur du "consommons local" transforme une clairière poussiéreuse en royaume culinaire.
Ici, pas de carrelage luisant, rien de luxueux. La simplicité du cadre contraste avec l’originalité des plats. « C’est de la cuisine bio », revendique-t-il, comme pour dire que son art se nourrit du terroir, de la nature, et d’une volonté d’authenticité.
L’originalité de First King Junior réside aussi dans son choix d’opter pour les produits locaux et traditionnels. Les plats racontent le terroir, la culture et la mémoire du Bénin.
Une option qu’il dit avoir faite après avoir remarqué « que le monde perd peu à peu nos vieilles habitudes culinaires à cause de la civilisation ou de la modernisation. C’est pourquoi, nous étant au village, nous avons décidé de faire honneur à la cuisine traditionnelle avec les produits de chez nous ».
Ce matin du vendredi 12 septembre 2025, il s’affaire à préparer du "bomiwo", plat à base de pâte de maïs, pour un groupe de visiteurs venus de Cotonou, près de 90 km de route.
La farine de maïs est torréfiée à sec, soigneusement remuée dans une marmite noircie par le feu, tandis que le poulet, qu’il a lui-même tué et déplumé, mijote lentement. « Bien torréfier la farine permet d’éviter la diarrhée », explique-t-il d'un ton de chef custo, avant de mélanger le tout avec de l’eau de cuisson de la viande. Chaque geste est précis, chaque mouvement raconte une histoire.
Ici, on écrase les condiments avec la pierre à moudre, à l’ancienne, là où beaucoup utilisent des appareils électroménagers. Les marmites sont noircies, mais chaque mét qui en sort est un concentré de saveurs locales. Et si certains visiteurs trouvent le piment trop fort, First King Junior sourit : « C’est parce qu’on utilise du piment cultivé naturellement. Ici nous optons pour ce qui est bio. »
"Ils ne savent plus cuisiner comme nos mères"
Igor Togbé ne se contente pas de nourrir. Chaque recette devient prétexte à conter : une mémoire de village, une astuce de marché, une tradition familiale. « Beaucoup de jeunes filles et garçons ne savent plus cuisiner comme nos mères. Je veux montrer qu’un homme peut cuisiner et le faire bien », confie-t-il avec fierté.
Son espace culinaire attire désormais un public varié. Influenceurs, artistes, journalistes et web-humoristes viennent observer, filmer et goûter. Par semaine, il reçoit une dizaine de personnes, parfois en groupe. À 2 000 francs CFA par repas quand vous êtes seul, il propose un accès abordable à une expérience culinaire unique.
Des cadeaux affluent également. Une cuisinière offerte par l’influenceuse Régie Boyz, des bouteilles de gaz de la part d’une société de distribution, autant de signes de reconnaissance.
Une inspiration pour les jeunes malgré quelques critiques
Le jeune parcours de First King Junior est devenu une leçon pour les jeunes. « Ce que fait ce gars m’inspire, il me montre qu’on peut réussir avec peu », pense l’un des abonnés du jeune amateur de la cuisine béninoise. « Tu es une fierté pour la jeunesse béninoise », encense un autre internaute sous l'une de ses publications Facebook.
Son manager Gérard, qui filme et publie ses contenus, affime que « beaucoup de jeunes le contactent pour demander comment commencer comme lui. »
Des messages qui encouragent First King Junior à mettre les bouchées doubles et à inspirer davantage. « Beaucoup de jeunes peuvent s’inspirer de mon expérience : même avec peu de moyens, il est possible de se faire connaître et de valoriser nos traditions », croit-il, confiant que la volonté transcende les obstacles.
Son manager Gérard rapporte que lui aussi a dû tenir fort après des débuts difficiles : « On cotisait pour acheter les ingrédients et filmer. Mais dès que les vidéos ont commencé à générer de l’intérêt, on a compris qu’il fallait continuer. »
Pour ceux qui le suivent sur les réseaux sociaux, le défi de First King Junior est de résister à la sirène de la modernité. Mondukpè, une admiratrice de ses contenus n'a pas manqué de le lui souligner. « Cuisiner sur le feu de bois, c’était la particularité… dommage », a-t-elle déclaré sur l’une des vidéos où First King junior utilise du gaz pour faire sa cuisine.
First King Junior ne se limite pas aux vidéos. Il ambitionne d’ouvrir un petit restaurant dans son village, dédié aux mets traditionnels. Il souhaite ainsi créer un lieu physique où la jeunesse pourra apprendre, déguster et s’inspirer de la cuisine béninoise. « Je ne pourrai pas le faire sans le soutien de la communauté », confie-t-il, soulignant que ses initiatives sont un pont entre l’innovation individuelle et l’impact collectif.
L’histoire d’Igor Togbé est celle d’un jeune homme qui a osé croire en son talent, exploiter le numérique et valoriser sa culture. « Même avec peu de moyens, ne vous découragez jamais! », exhorte-t-il, entre deux coups de louche. « Commencez petit, persévérez, et vous verrez votre passion trouver son public ! ». First King Junior incarne désormais une génération qui inspire.
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