
Annoncé le 7 mars 2025 par le procureur de la République près le tribunal de première instance de première classe de Cotonou, le procès de l’affaire Dangnivo s’ouvre ce mardi 11 mars 2025.
Dans le box des accusés, Codjo Cossi Alofa, présumé auteur de l’assassinat de Urbain Pierre Dangnivo et Donatien Amoussou, présumé complice. Les deux prévenus sont poursuivis pour les chefs d’accusation d’assassinat et de complicité d'assassinat de Urbain Pierre Dangnivo.
En 2015, 2016 et 2018, l’affaire a été évoquée en assises. Lors des premières audiences, Codjo Cossi Alofa, présenté comme féticheur a plaidé coupable de l’assassinat du fonctionnaire du ministère des Finances. Mais en 2018, Codjo Cossi Alofa est revenu sur sa déposition. Il ne reconnait plus les faits. Ses avocats ont soutenu qu’il était en garde à vue au moment de la disparition d’Urbain Pierre Dangnivo.
Le principal accusé a également fait des déclarations explosives sur son évasion présumée de la prison d’Akpro-Missérété où il était en détention. Le prévenu a déclaré ne s’être jamais évadé mais plutôt sorti de la prison. Il a expliqué que ceux qui l’ont sorti lui ont donné de l’argent puis l’ont déposé à la frontière du Bénin avec le Togo.
L’audience de la session criminelle qui s’ouvre devant le tribunal de première instance de Cotonou s’annonce cruciale pour situer l’implication ou non de Codjo Cossi Alofa et de Donatien Amoussou dans la disparition de Urbain Pierre Dangnivo.
Demarrage du procès, nouvelle saison, avec des clarifications du président de Céans
La session criminelle qui connait de ce dossier s'est ouverte autour de 10 h 45 au tribunal de Cotonou.
Les deux accusés Codjo Cossi Alofa et de Donatien Amoussou sont présents. Alofa est habillé d'un Boumba manche courte Bleu ciel carrelé surmonté du gilet des détenus. Amoussou est dans une tenue "Good Luck" blanc surmonté du gilet des détenus.
A l'entamme, le président de Céans a rappelé que ce n'est pas un nouveau dossier. Il a rappelé que l'affaire avait dejà été appelée en 2015, 2016 et 2018. Il a expliqué que les débats vont se faire pour approfondir ce qui avait été dit, pour permettre à la nouvelle composition de la Cour de se faire son opinion.
Le président de Céans indique qu'il n'y a pas de nouveaux témoins, les actes qui ont été posés à la suite des précédentes sessions sont déjà communiquées aux parties. Il a ajouté que les résultats de l'expert par rapport aux restes du corps retrouvé à Womey dans la commune d'Abomey-Calavi ont été transmis aux parties. Les observations ont été reçues et les réponses données aux parties.
Une avocate de la partie civile a demandé que les ordonnances de scellés et de lever de sceller des restes de corps retrouvé lui soit transmise. Elle relève qu'avec les manipulations, il se peut que les restes de corps retrouvé ne soient plus un corps entier
Le ministère public a pris l'engagement de rendre disponible les documents demandés.
Alofa à la barre
Les dépositions à la barre ont commencé par celle de Alofa, principal accusé dans ce dossier. Il raconte avoir été arrêté le 16 août 2010 pour vol de moto. Son complice a fui.
En garde-à-vue à Godomey, son ami appelait sur son portable et un policier répondait. Une fois déféré en prison, il a appelé l'ami pour lui dire de lui prendre un avocat afin qu'il puisse sortir de cette affaire.
Un soir, poursuit Alofa, un policier est venu le chercher pour aller voir le régisseur. Une fois chez le régisseur, ce dernier lui demande de suivre des policiers ces ‘’chefs’’ pour un travail avec eux. Il dit avoir répondu qu'il n'était pas policier. Après il s'est retrouvé avec le commissaire Aledji. Alofa raconte que c'est Aledji qui lui a attribué un second prénom : Cossi. Il rappelle qu’il s’appelle Alofa Codjo. Il lui a été ensuite demandé de faire un travail pour le président de la République. Il affirme qu'on lui a dit que dans un pays, s'il y a des citoyens qui veulent gêner le président de la République, on s'occupe d'eux. Il lui a été dit que Dangnivo a connaissance des choses qui peuvent créer des préjudices au président de la République. Donc, qu'il va les aider à s'occuper de Dangnivo.
Alofa déclare qu'il ne sait pas où le corps est passé jusqu'à ce qu'un corps soit retrouvé à Womey. Il ajoute qu’il ignorait aussi la provenance du treillis retrouvé chez lui. Il confie qu’il lui a été promis 25 millions FCFA s’il acceptait le travail qui lui était demandé.
Il dit avoir reçu des pressions pour accepter d'endosser tout ce qu'on lui reproche.
Le prévenu avance qu’un certain Lucien Degbo du service des renseignements et son chef seraient les deux personnes qui lui ont demandé d'accepter les charges qui étaient retenues contre lui pour une récompense et sa liberté.
Pourquoi Alofa qui avait reconnu les faits est-il revenu sur ses déclarations devant l’instruction ? Le prévenu répond avoir maintenu ses déclarations depuis la gendarmerie jusqu'à devant l'instruction.
Il dit avoir décidé de revenir sur ses déclarations après s’être rendu que compte du fait que les événements ne se passaient pas comme promis?, a interrogé la Cour. Le deal, insiste-t-il, c'était qu’il fasse quatre mois en prison. Mais, il constatera que son séjour pourrait être plus long lorsqu’il a été transféré de la prison de Cotonou pour celle de Missérété.
« Je n'ai rien fait. On m'a demandé de dire tout ce que j'ai dit concernant la mort de Dangnivo », insiste-t-il à la barre.
Concernant ses premières déclarations dans lesquelles il reconnaissait les faits, Alofa confie qu’on les lui édictait, et il les répétait avant de se présenter à l’instruction. Lorsqu' il se retrouve à répondre à des questions auxquelles il n’avait pas été préparé, il improvisait les réponses, a-t-il ajouté.
Le corps qu'on a retrouvé chez lui à Womey est-il celui de Dangnivo ?, demande la Cour. Alofa répond qu’il ne saurait le savoir.
L'évasion de février 2015 : Alofa donne sa version des faits
Dans sa déposition, Alofa est revenu sur la séquence où il s’est retrouvé au Togo en février 2015. Il rapporte qu’il lui avait été demandé dans quel pays il se rendrait après sa libération. Il dit avoir répondu qu'il irait au Togo.
Un jour, raconte-t-il, des gens encagoulés sont allés le chercher dans sa cellule à la prison de Missereté. Ils lui ont aussi mis une cagoule. Il ignorait leur destination, mais dit s’être rendu compte que la distance était plus longue que celle de Missérété à Cotonou.
Finalement, poursuit-il, c'est à Hillacondji que sa cagoule lui a été enlevée. Avec la consigne de rester au Togo et de ne plus revenir au Bénin. Ensuite les personnes qui l'ont déposé à cet endroit lui auraient remis 50.000 FCFA. Alofa dit s’être exécuté avant de se rendre lui-même plus tard à la police togolaise pour être ensuite renvoyé au Bénin. Il déclara être revenu parce qu’il n'avait pas fait le programme de fuir et que la somme de 50 000 FCFA était insignifiante.
L'audience est suspendue peu après 13 h, l'audience a repris autour de 14 h 20.
A la reprise de l’audience, après quelques questions de précisions, avec Alofa, Donatien Amoussou, son présumé complice est appelé à la barre.
Donatien Amoussou donne sa version
Amoussou raconte qu'un jour un ami camerounais est venu lui confier qu'il a retrouvé un véhicule recherché. Lui, Donatien Amoussou, a fait appel à un grand frère qui était dans la presse. Ce dernier a appelé le DG ORTB d'alors (Julien Akpaki). Ils sont allés voir un colonel et une enquête a été ouverte. Son ami camerounais a accompagné l'équipe à l'hôtel où il a retrouvé la voiture.
Le colonel Sévérin Koumassègbo, à l’époque chef de sécurité du président de la République l'aurait invité après à son domicile. Il lui aurait remis un portable à déposer à Océan FM. Il devait, ensuite, signaler à la commission d'enquête qu'il a retrouvé un portable qu'il a déposé à Océan FM. Il dit avoir refusé de le faire malgré la somme de 500.000 FCFA proposée par le colonel. Ce dernier, a-t-il poursuivi, a fait appel à une personne qui aurait accompli la mission contre deux millions FCFA.
Il poursuit sa déposition en rapportant qu’il a été voir le colonel à la présidence et ce dernier a affirmé qu’il ne lui demanderait plus de service. Lui Donatien Amoussou sera plus tard arrêté. Dans la salle d’interrogatoire, narre-t-il à la barre, six autres personnes, tous torses nus le rejoignent. Une opération d’identification a lieu. Quand une des personnes de la salle est montrée du doigt, Alofa disait non, poursuit Amoussou. Il rapporte qu’arrivé sur lui, Prince Aledji aurait murmuré quelque chose à Alofa qui a ensuite dit oui c'est lui. Il ajoute avoir été tabassé ce jour-là.
Interrogé à la barre sur les circonstances de l'identification de son complice présumé, Alofa a indiqué qu'avant l'identification de Donatien à la compagnie de gendarmerie , Aledji lui a donné un code: arrivé sur Donatien, il va demander si Alofa veut manger du chewing gum. Alofa devait répondre non avant de désigner Donatien son complice
Poursuivant sa déposition à la barre, Amoussou confie avoir reçu, après la scène de son identification, la visite de plusieurs personnes notamment Simplice Codjo et Bernard Lani Davo, alors ministres du président Boni Yayi. Ces derniers l'auraient calmé et auraient promis qu'il sera liberé, tout en lui demandant de garder le silence sur ce qui s’est passé.
Amoussou a rappelé à la barre avoir été arrêté le 4 octobre 2010. Il dit qu'il était avec le DG ORTB Julien Akpaki à la place des Martyrs, le 27 septembre 2010, quand le corps retrouvé a été exhumé. Il dit qu'avant son arrestation, Alofa qui était supposé être en prison, était souvent avec Degbo dans la ville de Cotonou où on lui payait à manger.
Il ajoute qu’à la fin de son interrogatoire à la police, il a refusé de signer le PV parce qu'on lui aurait refusé la possibilité de le lire d’abord.
Argent, abonnement canal+ et virées noctures ?
Dans sa déposition à la barre, Donatien Amoussou, co-accusé de Alofa, a déclaré qu’il recevait de l’argent de certaines personnalités politiques, d’abord pendant sa garde à vue à la brigade, puis après son incarcération à la prison de Missérété. Il cite Théophile N’Dah, Bernard Lani Davo et Grégoire Akofodji, alors ministre de la justice au moment des faits.
Le prévenu confie avoir reçu une fois la somme de 500.000 FCFA de Théophile N’dah. Il dit avoir également reçu de l’argent deux fois des ministres Bernard Lani Davo et Grégoire Akofodji. Lani Davo, lui faisait chaque mois un réabonnement Canal +, a-t-il poursuivi. Amoussou rapporte que ses bienfaiteurs lui précisaient qu’il lui faisaient ses faveurs de la part de la haute autorité, mais dont ils n’ont jamais dévoilé le nom.
Le présumé complice de Alofa a ajouté que c'est lorsqu'il menaçait de révéler l’histoire du téléphone à déposer à Océan FM qu'on lui envoyait des émissaires pour le rassurer. Amoussou raconte qu'au départ, ils ont voulu leur pourrir la vie en prison. Mais les choses ont changé lorsqu’ils ont résisté, a-t-il ajouté. Il ajoute que c'est Akofofji qui l’a rassuré qu’ils n’ont pas été oubliés.
Donatien Amoussou a rapporté à la barre qu’Alofa bénéficiait aussi de faveurs. Il précise qu’Alofa était, lui, extirpé de la prison pour faire le tour de la ville et prendre de copieux repas. Interrogé par le président de Céans à ce propos, Alofa a confirmé sans donner de détails.
Poursuivant sa déposition à la barre, Amoussou raconte qu'un jour, le commissaire Aledji est venu le voir à la prison pour lui demander de lui indiquer sa maison. Amoussou dit avoir demandé laquelle? Est-ce celle d'Akpakpa, de Fifadji ou d'Atrokpocodji puisque son père et sa mère ont plusieurs maisons ? Aledji lui aurait répondu celle d’Akpakpa et que le véhicule de Dangnivo s’y trouverait.
Amoussou rapporte lui avoir demandé qui a amené la voiture là-bas. Alofa, lui aurait-on repondu. Il ajoute avoir retorqué à son interlocuteur de solliciter alors Alofa pour leur indiquer ladite maison. Finalement, fait-il savoir, aucune voiture n'a été déposée chez lui.
Interrogé à la barre, Alofa dit ne pas connaitre chez Amoussou et ne pas savoir conduire.
L’audience a été suspendue peu avant 17 h. Les débats vont reprendre le lendemain, mercredi 12 mars 2025.
Fin du direct. A demain !
6 commentaires
6 commentaires
FANOEM
il y a 3 joursLuc kpoti
il y a 3 joursObanguy
il y a 3 jours