
Après une journée de débats, mardi 28 janvier 2025, les prévenus vont comparaître pour la cinquième journée du procès, ouvert il y a une semaine.
Il s'agit du procès de l'affaire de la supposée tentative de coup d'État contre Patrice Talon, qui a éclaté fin septembre 2024.
Dans ce dossier, les mis en cause ont plaidé non coupable. Ils sont poursuivis pour complot contre l'autorité de l'État, corruption d'un agent public, faux et usage de faux.
Trois d'entre eux se sont expliqués devant la CRIET, mardi 28 janvier 2025. Un chauffeur, un gérant de société dont le nom a été utilisé en sous-main et un comptable ont donné leur version des faits concernant les accusations portées contre eux.
Les principaux prévenus, l’homme d’affaires Olivier Boko et l’ancien ministre des Sports Oswald Homeky, quant à eux, n’ont pas participé à l’exercice. Les deux personnalités ont refusé de déposer devant la Cour sans la présence de leurs avocats.
Les prévenus n’ont pas pu se constituer de nouveaux avocats après la déconstitution collective des conseils le premier jour du procès. Leurs avocats s’étaient déconstitués pour contester la composition de la Cour. Depuis, les prévenus n’ont pas pu recruter d’autres avocats.
Lors de l’audience du mardi 28 janvier, ils ont trouvé insuffisant le délai de cinq jours que la Cour leur avait accordé pour se prendre de nouveaux avocats. Le ministère public a demandé au juge de constater un "manque de volonté" de la part des prévenus à se choisir de nouveaux avocats. Le procureur spécial a requis la poursuite des débats en se référant à l’article 312 nouveau du code pénal.
La Cour a suivi cette demande et a ordonné la continuation du procès. Sans leurs avocats, Olivier Boko et Oswald Homeky ne sont pas défendus. Toutefois, les autres prévenus ainsi que plusieurs témoins ont fait leurs dépositions à la barre.
Lors de l’audience de ce mercredi 29 janvier 2025, il est probable que la partie civile fasse sa demande vis-à-vis des prévenus, tandis que le procureur Mario Mètonou présentera ses réquisitions.
Il n’y aura donc pas de plaidoiries des avocats de la défense, à moins que de nouveaux avocats ne se constituent dans le dossier à cette étape des débats.
Reprise de l'audience
L'audience dans le cadre du procès de l'affaire de tentative de coup d'État contre Patrice Talon a repris. La Cour est entrée dans la salle d’audience à 9 h 50.
À la reprise, le ministère public prend la parole. Le procureur spécial, représentant le ministère public, fait deux demandes à la Cour. Le chef du parquet demande la lecture de certaines pièces et la convocation d’un témoin.
Le DAF de Rock Niéri à la barre
À la demande du ministère public, la Cour convoque à la barre Venance Kokoyè, directeur administratif et financier de Rock Niéri, en qualité de témoin.
Au sein de l'entreprise de Rock Niéri, il assure le suivi financier, veille à la rentabilité et supervise l'équipe administrative. Il contrôle l’exécution des dépenses de la société.
À la question de la Cour de savoir s’il a accès à certains comptes, il répond qu’il est cosignataire des comptes de la société Groupe Technique + à la banque UBA. Il connaît Hugues Adjigbékou et ils travaillent ensemble au quotidien.
La présidente de la Cour l’interroge sur ses impressions concernant la gestion de la société. Il affirme que, d’après son expérience, les choses ne se passaient pas comme il l’a observé ailleurs. L’exécution des décisions financières se faisait de manière planifiée, jour après jour.
Sur la période d’août à septembre 2024, il était en vacances. Il est revenu le 20 septembre 2024. Avant son départ, il dit avoir signé des chèques en blanc pour Hugues Adjigbékou. À son retour, il n’a pas eu le temps de faire le point, car l’affaire de la tentative de coup d'État a éclaté.
Les révélations d’un agent de NSIA Assurance
Après le directeur administratif et financier de Rock Niéri, la Cour a convoqué un deuxième témoin, chef du département commercial de NSIA Assurance en Côte d’Ivoire, qui dépose par visioconférence.
Il présente d’abord les services de l’assurance et décrit le processus de souscription à une assurance vie « pack prestige », souscrite pour le commandant de la garde républicaine.
À la question de savoir s’il connaît l’ancien ministre Oswald Homeky, l’agent répond par l’affirmative. Il le connaît depuis 2023. Selon sa déposition, l’ancien ministre serait un client de la maison d’assurance, ayant effectué trois dépôts en 2022 pour un montant total de 200 millions de FCFA.
Lors d’un voyage qu’il a effectué en Côte d’Ivoire fin 2023, l’ancien ministre a demandé un retrait correspondant à la somme de ses dépôts.
L’ancien ministre Oswald Homeky, selon la déposition de l’agent, l’a mis en contact avec le colonel Tévoèdjrè pour la souscription à une police d’assurance. Au départ, l’agent précise qu’Oswald Homeky ne lui avait pas dit qu'il s’agissait d’un officier de l’armée, mais d’un « ami ».
L’ami de l’ancien ministre a rempli le formulaire de souscription et lui a renvoyé par WhatsApp. Après l'ouverture du compte, Oswald Homeky a demandé un appel vidéo avec le colonel pour le rassurer.
Sur le compte d’assurance ouvert au profit du chef de la garde républicaine, Oswald Homeky a effectué un dépôt de 55 millions de FCFA, selon l'agent de NSIA Assurance en Côte d'Ivoire.
L’ancien ministre a remis en espèces 50 millions de FCFA le 9 août 2024, à l’hôtel Sofitel de Côte d'Ivoire. Oswald Homeky a expliqué à l’agent que cette somme était destinée à un ami pour lequel il se sentait très reconnaissant, et qu’il s’agissait d’un don.
L’accusation soutient que le compte ouvert au profit du commandant de la garde républicaine a été crédité d’une somme de 105 millions de FCFA, mais l’agent précise que ce montant correspond à une simulation demandée par l’ancien ministre pour exercer une pression sur un autre ami. Il a effectué la simulation et envoyé la capture d'écran à Oswald Homeky.
Le comptable de Niéri de nouveau à la barre
À la demande du ministère public, la Cour convoque à nouveau Hugues Adjigbékou, comptable de Rock Niéri, pour apporter des éclaircissements.
Le ministère public souhaite qu'il confirme si le sieur Ricardo est un homme de main de Rock Niéri. Le prévenu a répondu qu’il ne peut pas confirmer cela, précisant qu'il n’a jamais utilisé l’expression « homme de main ». Selon lui, cette expression a été employée par les enquêteurs lors des enquêtes préliminaires.
Hugues Adjigbékou a par ailleurs confirmé qu’Olivier Boko soutient financièrement Rock Niéri et lui sert de caution pour obtenir des prêts à la banque.
Lecture des procès-verbaux d’audition de Boko
Selon la lecture des procès-verbaux, Olivier Boko a été interrogé en présence de ses avocats.
Lors des auditions, Olivier Boko a déclaré qu'il devait recevoir une somme de 250 millions de FCFA. L’argent, a justifié Olivier Boko, provient d’un bail de l’un de ses immeubles par l’entreprise PorteO.
Il a demandé que cette somme soit remise à Rock Niéri. Cette somme est revenue de Lomé dans une Range Rover.
Le juge d’instruction, selon la lecture des procès-verbaux, a demandé à Olivier Boko s’il savait que la somme de 250 millions de FCFA avait été convoyée chez Oswald Homéky. L’homme d’affaires a répondu qu’il n’en avait aucune idée.
Le juge d’instruction relance Olivier Boko et lui demande s’il a des ambitions de briguer la magistrature suprême. À cette nouvelle question, Olivier Boko, selon les procès-verbaux d’audition, a déclaré qu’il n’est membre d’aucun parti politique. Ce sont les partis politiques qui désignent les candidats.
Selon les procès-verbaux d’audition, Olivier Boko a déclaré qu’il ne finance aucun mouvement à son profit. Il a nié avoir donné sa caution pour un mouvement.
Le juge d’instruction lui demande alors pourquoi il ne se désolidarise pas des appels visant à susciter sa candidature. Olivier Boko a répondu au juge qu'il n’a pas trouvé utile d’intervenir, car il n’a rien demandé.
Il a ajouté qu’il n’est pas nécessaire d’empêcher les gens qui s’investissent pour vous, car, à un moment donné, vous aurez besoin d’eux. Olivier Boko a dit qu’il avait été coordonnateur des élections de Patrice Talon en 2016 et 2021. Donc, il sait de quoi il parle.
Interrogé sur le mouvement OB26, Olivier Boko a dit qu’il ne connaît pas l’existence de l’organisation.
Selon la lecture des procès-verbaux d’audition, Olivier Boko a déclaré que Séverin Quenum a été l’avocat du président Talon ainsi que son propre avocat. Olivier Boko a déclaré qu’il connaît Séverin Quenum, mais qu’il n’a pas de rapport particulier avec lui. Il discute avec lui de questions juridiques.
À propos du commandant de la garde républicaine, Olivier Boko a déclaré le connaître. Le prévenu, selon les procès-verbaux d’audition, a indiqué avoir de bonnes relations avec le colonel Tévoédjrè à cause de sa proximité avec Patrice Talon.
Le juge d’instruction, lors de l’audition, a fait savoir à Olivier Boko que le commandant de la garde républicaine avait dit qu’il est l’une des rares personnes qui peuvent lui donner des instructions qu'il exécuterait sans se référer au chef de l’État. Il a ajouté qu’il lui rend visite quelques fois dans son bureau. « C’est lui qui le dit », a réagi Olivier Boko.
Le juge d’instruction a fait remarquer à Olivier Boko qu’il aurait confié au commandant de la garde républicaine que la rupture était consommée entre le chef de l’État et lui, car le président Patrice Talon ne veut pas de sa candidature.
Olivier Boko, selon les procès-verbaux, a rejeté cette affirmation en disant que c’est faux. « Le colonel ne peut pas dire cela. J’ai de bonnes relations avec le chef de l’État », a-t-il ajouté.
Lecture du procès-verbal d’audition de Homéky
Devant le juge d'instruction, l'ex-ministre a déclaré que la somme de 1,5 milliard de FCFA retrouvée à son domicile était destinée au financement des activités de la Dynamique OB26.
Il a précisé avoir sollicité le commandant de la garde républicaine pour l'aider à déplacer l'argent vers le domicile de l'un de ses cousins à Fidjrossè, car une semaine plus tôt, il avait été victime d'un vol.
De ce fait, a-t-il déclaré selon les procès-verbaux d’audition, les fonds destinés au financement des activités du mouvement n'étaient pas en sécurité chez lui.
Pourquoi avait-il jugé nécessaire d’enlever les plaques du véhicule destiné au transfert de l'argent ? L’ex-ministre Homéky a expliqué qu'il avait récemment acheté ce véhicule et qu'il était en cours de changement d'immatriculation, car il s'agissait d'un véhicule en leasing.
Oswald Homéky a affirmé qu'il n’aurait pas dû enlever les plaques pour déplacer les fonds.
Selon les procès-verbaux, Oswald Homéky a confirmé lors de l'enquête préliminaire qu'il discutait régulièrement de la candidature d'Olivier Boko avec lui.
Il a précisé qu’en vue de la présidentielle de 2026, 803 unités territoriales avaient été mises en place pour les activités du mouvement OB26.
Le mouvement OB26 n'est pas un parti politique, mais ses membres sont influents. L’objectif du mouvement est de mobiliser les Béninois pour l'élection d'Olivier Boko en avril 2026.
Oswald Homéky a indiqué, selon les procès-verbaux, que le nouveau code électoral ne lui posait aucun problème. « Si le code me posait un problème, je l'aurais dit publiquement », a-t-il ajouté, selon les procès-verbaux d’audition.
Lors de ses auditions, Oswald Homéky a nié avoir échangé avec le colonel sur un supposé troisième mandat du chef de l'État Patrice Talon.
Cependant, il a reconnu avoir sablé du champagne avec le colonel aux premières heures du 31 juillet 2024, jour de son anniversaire. D'habitude, a précisé l'ex-ministre, le colonel était souvent le premier à lui souhaiter un joyeux anniversaire lorsqu'il faisait encore partie du gouvernement et était responsable de l'organisation du 1er août.
L’ex-ministre a nié avoir eu une discussion au cours de laquelle il aurait évoqué une répartition des rôles après un coup d'État. Oswald Homéky réfute avoir eu une telle conversation avec le commandant de la garde républicaine.
Les demandes de l'avocat de l'État béninois
La lecture des procès-verbaux d'audition de Olivier Boko et Oswald Homeky terminée, la Cour a donné la parole à l'avocat de l'Etat béninois.
Plaidant, l'avocat de l'Etat béninois a demandé à la Cour de retenir Olivier Boko et Rock Niéri dans les liens de la détention pour complot contre l'autorité de l'État, corruption d'agent et blanchiment de capitaux.
Il demande que soient retenus contre Oswald Homéky les faits de complot contre l'autorité de l'État, corruption d'agent public, faux certificat et blanchiment de capitaux
Contre Hugues Adjigbékoun et Corneille Gbaguidi, l'Etat béninois, à travers son avocat, demande qu'ils soient condamnés pour "complot contre l'autorité de l'État". Le conseil de l'Etat souhaite que Sanoussi Ganiou, chauffeur de l'épouse de l'ex-ministre soit reconnu coupable de faux certificat.
L'Etat veut que les prévenus Olivier Boko, Oswald Homéky et Rock Niéri, Adjigbékoun Hugues et Gbaguidi Corneille soient condamnés à la somme de 77 milliards de FCFA pour tout préjudice causé à l'État.
L'Etat béninois réclame condamnation à 10 millions au titre de dommages et intérêts de Hugues Adjigbékoun et de Corneille Gbaguidi. La condamnation au franc symbole est réclamée contre Sanoussi Ganiou.
L'avocat de l'Etat béninois demande la saisie de la somme de 1,5 milliard FCFA retrouvée chez l'ex-ministre Homeky. Il demande également la saisie des biens connus ou non de Olivier Boko, Oswald Homéky et Rock Niéri.
Après la demande de l'Etat béninois, à travers son avocat, le ministère public a souhaité une suspension de l'audience pour une reprise demain, jeudi 30 janvier 2025. La Cour a accédé à cette demande du ministère et a suspendu l'audience.
1 commentaire
1 commentaire
Badé
il y a 2 semaines