Une détention provisoire qui dure plus de 16 ans. Suite à un vol perpétré sur son lieu de travail, un agent de sécurité expose avoir été poursuivi et incarcéré en 2008 à la maison d'arrêt de Cotonou. Ceci, sans être présenté à une juridiction de jugement.
Le détenu a saisi la Cour constitutionnelle, le 27 février 2024, d’un recours pour inexécution d’une décision de la haute juridiction du 24 février 2022. Il sollicite par la même occasion l’intervention de la Cour pour sa mise en liberté d’office.
Pour les faits de vol qualifié, le délai prévu par le Code de procédure pénale pour présenter les prévenus à une juridiction de jugement est de cinq ans. De ce fait, l’agent de sécurité inculpé explique qu’ayant passé 13 ans en prison sans être jugé, il a saisi la Cour constitutionnelle d’une requête en inconstitutionnalité de sa détention provisoire. C’était le 02 décembre 2021. La haute juridiction a, dans une décision le 24 février 2022, déclaré qu’il y a violation de son droit d'être jugé dans un délai raisonnable.
En dépit de cette décision, l’agent de sécurité n’a pas été présenté à une juridiction de jugement. C’est du moins ce qu’il rapporte dans sa requête adressée à la haute juridiction le 27 février 2024 en précisant que cela fait 16 ans qu’il est inculpé.
Interpellé, le juge du deuxième cabinet d'instruction du tribunal de première instance de première classe de Cotonou observe que le requérant est inculpé du chef de vol qualifié et placé sous mandat de dépôt, le 12 février 2008. Il indique que la procédure ouverte sur ces faits a été clôturée le 10 décembre 2010 par une ordonnance de transmission de pièces au procureur général près la Cour d’appel de Cotonou.
La Cour tranche
En réponse au juge en charge de la procédure, les sages de la Cour constitutionnelle ont rappelé les dispositions des articles 124 de la Constitution et 20 de la loi organique sur la Cour constitutionnelle.
Le premier stipule « (...) les décisions de la Cour constitutionnelle ne sont susceptibles d'aucun recours. Elles s'imposent aux pouvoirs publics et à toutes les autorités civiles, militaires et juridictionnelles ». L’article 20 de loi organique sur la Cour constitutionnelle énonce, en son dernier alinéa, que les décisions et avis de la Cour constitutionnelle doivent être « exécutés avec la diligence nécessaire».
Les sages de la Cour constitutionnelle font remarquer que l’obligation de présenter l’inculpé à une juridiction de jugement n’est pas entièrement satisfaite par la clôture de l’instruction. Ils indiquent aussi que tant que le juge de jugement n’est pas saisi du dossier de l’intéressé, les autorités judiciaires restent tenues de ladite obligation.
La preuve d’une telle saisine n’étant pas rapportée, la Cour trouve qu’il convient de dire que les autorités judiciaires en charge du dossier ont méconnu les dispositions des articles 124 de la Constitution et 20 de la loi organique sur la Cour constitutionnelle. L’institution judiciaire réitère qu’il y a violation du droit du détenu d’être présenté à une juridiction de jugement dans un délai raisonnable.
En ce qui concerne la demande de mise en liberté émise par le détenu, la Cour constitutionnelle explique que cela échappe à sa compétence. Une telle demande relève plutôt du juge de la légalité, fait savoir la haute juridiction qui précise qu’elle « doit se garder de s'immiscer dans les prérogatives constitutionnelles des autres institutions ».
0 commentaire
0 commentaire