La cour constitutionnelle du Bénin s’est penchée sur deux recours contre le ministre de la Justice et de la législation Yvon Détchénou. La haute juridiction en matière constitutionnelle au Bénin a été saisie par deux recours contre le ministre.
Le premier a été déposé au secrétariat de la Cour le 15 novembre 2023 par le député de l’opposition, Abdel Kamel Ouassagari. Il demande aux sages de constater la violation des articles 35 et 54 de la Constitution par le ministre. Le second a été enregistré à la Cour le 09 janvier 2024 par Judicaël Glèlè Akpokpo qui demande de constater la violation des articles 34 et 35 de la Constitution par Yvon Détchénou.
Dans leurs requêtes, les requérants expliquent qu’élu président de l’APDP, le 25 mai 2021, Yvon Détchénou a été, par la suite, nommé ministre, le 17 avril 2023. Plus de sept mois après cette nomination, l’intéressé « n’a pas cru devoir démissionner de son poste à l’APDP, violant ainsi les articles 54 de la Constitution et 27 de la loi n°2009- 09 du 22 mai 2009 portant protection des données à caractère personnel en République du Bénin qui interdisent le cumul des deux fonctions ».
Ils estiment qu’il y a également violation des articles 34 et 35 de la Constitution. Le député a ajouté qu’il n’existe pas un cas de vacance de la présidence de l’APDP, puisque les actes sont toujours pris au nom du président, même s’ils sont signés pour ordre par un autre conseiller. Abdel Kamel Ouassagari précise que le vice-président n’a jamais assuré provisoirement les fonctions de président. Il demande à la Cour de déclarer que le ministre a violé également l’article 473 du code du numérique qui proscrit le cumul.
La défense du ministre
Devant la Cour, Yvon Détchénou a expliqué que le code du numérique invoqué par les requérants a été abrogé par une autre loi en avril 2018, elle-même modifiée par la loi n°2020-35 du 06 janvier 2021. Il relève ensuite que « non seulement l’appréciation de la violation de cette loi relève du contrôle de la légalité, mais encore, une loi abrogée ne saurait être violée ». Il fait remarquer que la Cour ne saurait apprécier la violation de l’article 35 de la Constitution sans qu’au préalable un contrôle de légalité n’établisse la violation du code du numérique. Le ministre a estimé donc qu’en l’absence d’une décision judiciaire, il ne saurait y avoir, en l’état, violation de la Constitution.
Il indique par la suite qu’il n’exerce ni un mandat parlementaire, ni un emploi public, civil ou militaire. Yvon Détchénou ajoute qu’il n’exerce pas non plus une activité professionnelle ne pratiquant plus son métier d’avocat. En plus, depuis sa nomination en avril 2023, il exerce à titre permanent et à temps complet ses nouvelles fonctions de ministre et n’exerce plus les fonctions de président de l’APDP. Le ministre a informé qu’il ne participe plus à aucune activité de l’APDP et n’y tire plus aucun avantage lié à cette fonction, même si « sa signature est maintenue en qualité d’ordonnateur par intérim pour exécuter les actes courants du fonctionnement administratif et permettre notamment le paiement des salaires du personnel ».
Une incohérence à corriger
Le ministre explique qu’en réalité, il existe aujourd’hui une situation de vacance qui ne peut être réglée à la lumière de l’article 467 du code du numérique, ni du règlement intérieur du 25 janvier 2019 de l’APDP. L’article 467 dudit code prévoit qu’en cas de vacance dûment constatée du président, le vice-président assume provisoirement les fonctions de président, conformément au règlement intérieur. Le ministre relève que, l’article 464 de ce code, qui prévoit une telle configuration du bureau, a été modifié par la loi n°2020-35 du 06 janvier 2021.
Cette nouvelle loi réduit le nombre de membres de l’Autorité à huit et institue un bureau composé d’un président et d’un rapporteur élus en son sein. Ces dispositions n’ont pas encore été prises en compte par le règlement intérieur en vigueur. Pour cela, le ministre estime qu'il ne s'agit donc pas, en l'espèce, d'un cumul de fonctions et demande à la Cour de déclarer recevables les recours, mais de constater qu’il n’y a pas violation de la constitution.
Le verdict de la Cour
La Cour dans sa décision affirme que les requérants demandent de déclarer le cumul de fonctions par Yvon Détchénou. Selon elle, l’examen de cette demande n'entre pas dans ses attributions. Elle se déclare donc incompétente sur ce point. Sur la violation des articles 34, 35 et 54 de la Constitution, la Cour estime que l’intéressé n’est pas non plus un fonctionnaire.
Elle a relevé qu’en exerçant, à titre principal et permanent, les fonctions de membre de gouvernement et en ne liquidant que les affaires courantes jusqu’à son remplacement, pour ne pas bloquer le fonctionnement de l’institution, le ministre n’a pas violé l’article 54 de la Constitution, ni manqué aux devoirs de sa charge prescrits par les articles 34 et 35 de la Constitution.
0 commentaire
0 commentaire