Patrice Talon (à.g) et Adrien Houngbédji (Ph : archives)
Phénomène de fin de mandat ou ras-le-bol? Le temps édifiera. Pour ce que l’on constate, Adrien Houngbédji parle de plus en plus. Sinon, il hausse le ton. L’ancien chef du parlement béninois s’est une fois encore illustré avec des critiques sur la gouvernance politique de Patrice Talon.
A la faveur d’une intervention au premier sommet de la jeunesse béninoise tenu les 14 et 15 avril à Cotonou, il a regretté la multiplication des « exilés politiques » et des « prisonniers politiques ». L'ex-chef du parlement a critiqué la loi électorale qu'il pense taillée sur mesure. Adrien Houngbédji estime que l’héritage de la conférence nationale de février 1990 est en train d'être saboté. Il dénonce également une régression de la liberté d'expression.
Retour d’un passé douloureux
A 83 ans révolu, Adrien Houngbédji y est allé en vétéran de la scène politique béninoise. Témoin vivant de l’histoire politique du Bénin depuis l’indépendance, il a puisé dans l’histoire pour illustrer ses critiques.
En référence au régime dictatorial de Mathieu Kérékou qui a précédé la conférence des forces vives de la Nation, il y a eu, rappelle-t-il comme dans un parallélisme de forme. « Ce que nous savons, l'option marxiste-léniniste. Ça nous a séduit pendant un certain temps, mais nous avons vite déchanté. Nous avons déchanté parce que les pratiques du gouvernement n'étaient pas compatibles avec notre idéal qui était un idéal de liberté, un idéal de démocratie, mais aussi un idéal de progrès ».
Ce régime de la terreur, conte Adrien Houngbédji, a engendré de nombreux exilés politiques et a fait un grand nombre de détenus politiques. « Nous étions nombreux en exil.»
Cueilli sur un vol, il a d’abord connu la détention avant de réussir à s’évader de prison. « Vous savez, quand on est prisonnier politique, le premier devoir qu'on a, c'est de s'évader. », conseille le patriarche, fort de son expérience.
Pour ce qui est de l’exil qui a suivi, il apprend que ce n’est pas une partie de plaisir. « C'est une dure épreuve, l'exil. Il n'y a pas d'exil heureux ». Tant bien qu’il gagnait mieux sa vie, plus qu’il en avait au pays, Adrien Houngbédji apprend que rien ne peut étancher la soif de la mère patrie. « Je me suis installé avocat ailleurs, j'ai gagné ma vie correctement, dix fois plus que j'ai gagné ici. Mais, mon pays me manquait. »
Dans cet exercice de mémoire face aux jeunes qui n’ont pas vécu les moments sombres du Parti de la révolution populaire du Bénin (PRPB), Adrien Houngbédji reproche au régime de Patrice Talon de contraindre des concitoyens à l’exil. « Mon idéal à moi, c'est qu'il n'y ait plus d'exilés, qu’il n'y ait plus de prisonniers politiques. », souhaite cet aîné de la classe politique béninoise.
Depuis la Conférence nationale, d’après lui, le Bénin n’a plus connu d’exilés politiques. « Ce n'est pas irréalisable. Juste après la Conférence Nationale, il y a eu Kérékou et Soglo qui sont restés là. Il n'y a pas eu d'exilés. Il n'y a pas eu de prisonniers politiques. Yayi Boni est arrivé, il n'y a pas eu d'exilés politiques. Pourquoi maintenant, il y a des exilés politiques ? Pourquoi maintenant, il y a des prisonniers politiques? », interroge-t-il, désabusé.
Attention à l’exclusion
Chef du Parti du renouveau démocratique (PRD) qui a fusionné avec l’Union progressiste (UP) pour donner naissance à l’Union progressiste le Renouveau (UPR), Adrien Houngbédji a saisi la tribune du sommet de la jeunesse béninoise pour opiner à nouveau sur le code électoral. La loi dont de nombreuses souhaitent la relecture, comporte à l’en croire, les germes de l’exclusion.
« Voyez-vous? Lorsque l'on s'approche des échéances électorales, ça va être le cas du Bénin, il faut faire très attention pour ne pas prendre des mesures crisogènes, des mesures qui entraînent le pays dans des crises », dit-il. Et d’ajouter, « mon point de vue est, je le répète, qu'il faut réviser cette loi électorale pour permettre à un maximum de Béninois de se sentir concernés par les élections ». Venant de lui, cela a de quoi surprendre plus d’un. Chef du parlement au moment des faits, Adrien Houngbédji est un des artisans du code électoral aujourd’hui décrié.
Avec du recul, il est opposé à la restriction des candidatures par des lois taillées sur mesure. Ce juriste chevronné pense qu’en matière électorale, le dernier mot doit revenir au peuple. « Je dirais, laissez les gens être candidats. Le peuple dira qui est bon, qui n'est pas bon ».
A contrario prévient, Adrien Houngbédji, « à dire, un tel ne le sera pas, et on prend des dispositions pour l'empêcher d'y être. Un tel autre ne sera pas, on le chasse de ses attributions, etc. On va créer des problèmes, on va créer des crises ».
A son avis, les faits l’ont déjà démontré. « En 2019, nous avons fait des élections waxala (terme qui désigne crise en langue goun) ». Cela, il ne le souhaite plus. Houngbédji défend l’importance de la participation de l’opposition à la vie de la démocratie. « Il faut que l'opposition puisse aller aux élections. Il n'y a pas de démocratie sans opposition ».
Des critiques bis répétita
Ce n’est pas la première fois que cet allié prêt à tout sacrifier de Talon hausse le ton. Deux mois plus tôt, en février Adrien Houngbédji avait surpris la classe politique en lançant des critiques à l’occasion d’une cérémonie de vœux avec les militants du PRD.
« Ma conviction forte est qu’il faut sortir les prisonniers, ceux qui sont en exil, il faut qu’ils reviennent. J’en appelle à ce que nous nous retrouvions sous l’arbre à palabre. C’est comme ça que nous avons réussi la conférence », avait-déclaré.
Ses propos ont fait écho à ceux des anciens présidents Nicéphore Soglo dont le fils est exilé et Boni Yayi. Comme eux, d’anciens présidents de la Cour Constitutionnelle du Bénin, Théodore Holo et Robert Dossou ont également souhaité que des mesures soient prises pour le retour des exilés politiques et la libération des détenus politiques.
0 commentaire
0 commentaire