Examen à l'Assemblée nationale des propositions de loi portant modification du Code électoral du Bénin. La plénière devant se pencher sur la modification à apporter au Code électoral s'est ouverte ce mardi 5 mars 2024 à l’Assemblée nationale. Les travaux de la session ont été ouverts dans l'après-midi de ce mardi. La séance plénière est présidée par le chef du parlement, Louis Vlavonou.
Deux propositions sont sur la table des élus parlementaires. Une première proposition de loi a été soumise à l'étude de la représentation nationale par le député Aké Natondé, président du groupe parlementaire Union progressiste le renouveau. La deuxième proposition a été introduite par le député Nourénou Atchadé, président du groupe parlementaire Les Démocrates.
Les propositions de loi portant modification du Code électoral font suite à une décision de la Cour constitutionnelle relativement au parrainage des candidats à la présidentielle 2026. La haute juridiction en matière constitutionnelle a, suite à un recours, constaté une rupture d'égalité entre les parrains à l'occasion de la présidentielle 2026. En l'état actuel des textes, des maires actuels et ceux à élire seront les parrains des candidats. La Cour a donc ordonné au parlement de corriger ce problème.
Deux tendances en commission
La Commission des lois a présenté son rapport sur l’examen des deux propositions de loi portant relecture du Code électoral. La députée rapporteure de la commission des lois a fait remarquer que lors des travaux en commission, les commissaires ont décidé de la jonction des deux propositions pour en faire une étude unique.
Les débats, a-t-elle fait remarquer, se sont cristallisés autour de deux tendances. Pour la première tendance, le code électoral ne devrait pas être un outil d’exclusion, de division et de crises politique et sociale. Les défendeurs de cette tendance estiment que le code électoral de 2019 regorge de closes crisogènes. Pour cette catégorie de députés, le quitus fiscal est à supprimer parce qu’il s’est révélé être un instrument d’exclusion avec des taxations fantaisistes et des tracasseries inadmissibles. Le choix des élus pour parrainer contenu dans la proposition de Aké Natondé n’est pas pertinente selon ces députés. Ils estiment aussi qu’il faut rétablir la surveillance réciproque au sein de la CENA dans les coordinations d’arrondissement et dans les postes de vote. Ils ont souhaité que les discussions se fassent dans un esprit de consensus pour un code électoral qui pacifie le pays.
La seconde tendance de députés reconnaît que les élections mal gérées sont sources de crise. Mais, ils estiment que les violences enregistrées à l’occasion des élections de 2019 et de 2021 sont plutôt dues à la soumission d’une partie de l’opposition aux textes en vigueur. Ces textes querellés étant les mêmes qui ont permis leur représentation à la mandature en cours à l’Assemblée nationale. Ces députés reconnaissent que tout n’est pas parfait dans le code électoral de 2019, mais l’on ne saurait remettre toute en cause. Ils soutiennent le bien fondé du quitus fiscal et sont d’avis pour plus d’efforts de la part de l’administration fiscal pour faciliter sa délivrance à tous les ayants droits.
Au sujet du seuil d’éligibilité au partage des sièges, ces députés pensent que les dispositions du code électoral ne devraient pas encourager l’émiettement des partis politiques, mais devraient plutôt être renforcées en vue de l’émergence de vrais partis hégémoniques qui vont s’alterner au pouvoir dans le pays les années à venir. D'après le rapport, la commission des lois a reçu et pris en compte dans la mesure du possible, des contributions de la CENA, des réseaux d’ONG.
La commission des lois, de l’administration et des droits de l’homme, après examen des deux propositions de loi suggère à la plénière leur adoption. Selon le rapporteur, au sujet du parrainage, la position adoptée in fine par la commission qui vise à faire parrainer les nouveaux élus de l’année électorale 2026 n’est qu’une position provisoire qui dépend de la suite à donner à la proposition de loi de révision de la constitution (rejetée vendredi dernier) en attente à l’adoption du présent rapport.
Une question préjudicielle soulevée par le député Nassirou Bako Arifari
Le député Nassirou Bako Arifari a soulevé une question préjudicielle avant l’ouverture du débat général. Le député Bako Arifari a d’abord rappelé que les décisions de la Cour constitutionnelle sans recours. Il rappelle que la décision de la Cour constitutionnelle demande au parlement d’établir l’égalité entre les maires à l’occasion de la présidentielle 2026. La Cour a demandé une mise en conformité d’un article de la Constitution et du Code électoral.
Nassirou Bako Arifari a fait remarquer que les deux propositions de loi portant modification du Code électoral dont l’étude est soumise à l’Assemblée nationale vont au-delà de la décision de la Cour constitutionnelle. Il juge qu’en proposant de réduire à 35 jours la durée qui sépare le dépôt de candidature et l’élection présidentielle, la proposition de loi du député Aké Natondé touche au droit de parrainage des députés de la 9e législature.
S’agissant de la proposition du député Nourénou Atchadé, l’honorable Nassirou Bako Arifari a indiqué qu’elle touche par exemple à l’attribution des sièges en ce qui concerne les élections législatives et communales. Le député Nassirou Bako Arifari a rappelé que l’introduction d’un seuil pour l’attribution des sièges fait suite à deux assises nationales. Pour lui, toucher à ce seuil nécessite un consensus national.
La question préjudicielle soulevée par le député Nassirou Bako Arifari si elle est prise en compte doit conduire à une suspension ou un ajournement de l’examen des propositions de loi.
Des réactions diverses
A la suite de la question préjudicielle soulevée, plusieurs députés ont réagi. Le député Augustin Ahouanvoébla a estimé que la question de son collègue Nassirou Bako Arifari est vide. Pour lui, l’examen doit se poursuivre. Le vice-président de l’Assemblée nationale, Barthélémy Kassa, pense également que la session ne saurait être suspendue ou ajournée car, explique-t-il, l’Assemblée nationale a la prérogative de légiférer.
Le député Eric Houndeté partage une partie de la question préjudicielle de son collègue Nassirou Bako Arifari en ce qui concerne le contenu de la décision de la Cour constitutionnelle. Il propose de couper alors la poire en deux en suspendant la plénière et en renvoyant l’examen en commissions. Le parlementaire Charlemagne Honfo croit plutôt que l’examen doit se poursuivre. Ceci, en raison de ce que l’ordre du jour sur lequel la première session extraordinaire de l’Assemblée nationale au titre de l’année 2024 a été convoquée porte sur l’examen de proposition de loi portant relecture du Code électoral. D’autres élus se sont prononcés soit pour demander une suspension ou pour poursuivre les travaux.
Le président de l’Assemblée nationale a tranché. Rappelant que la session extraordinaire du parlement a été convoqué sur un ordre du jour bien précis et cet ordre du jour ne porte par une mise en conformité du Code électoral avec la décision de la Cour constitutionnelle. Pour le chef du parlement, si l’examen permet de satisfaire la décision de la Cour constitutionnelle tant mieux. Si ce n’était pas le cas, le parlement se penchera sur la décision à une autre session. Sur ce, il a ordonné la poursuite des travaux.
Des amendements pour ''renforcer très sérieusement le système partisan''
Lors du débat général sur les propositions de loi relatives à la modification du Code électoral, le député Augustin Ahouanvoébla a fait savoir que des amendements ont été soumis au parlement. A en croire le député membre du groupe parlementaire Union progressiste le renouveau, les amendements ont été proposés par un collège composé par trois députés à savoir Assan Séibou, Barthélémy Kassa et lui.
Dans ses propos, le député Ahouanvoébla a laissé croire que les amendements vont dans le sens « de renforcer très sérieusement le système partisan ». Ceci, soutient-il, afin que plus jamais un oiseau rare ne dirige le pays. « Depuis la Conférence nationale des forces vives, ce pays n’a jamais été dirigé par un militant partisan. Nous avons toujours eu des personnalités sorties de nulle part, apportant ce qu’ils doivent apporter et gagnant le pouvoir, exerçant le pouvoir et gérant le pays à lui tout seul. Jusqu’au président Patrice Talon », a-t-il fait remarquer.
Augustin Ahouanvoébla a fustigé le fonctionnement actuel de la démocratie. « Quelle est cette démocratie où c’est la minorité qui doit dicter sa loi dans un parlement ? », s’est-il interrogé indiquant avoir été « tout malheureux » le vendredi 1er mars 2024 où « la minorité a jubilé, a chanté l’hymne national », après le rejet de la proposition de loi portant révision de la constitution.
« Quand nous allons finir ce qui est déposé, le peuple sera heureux de savoir que n’importe qui ne peut plus se lever dans un coin pour créer un parti et dire qu’il est chef de parti », a-t-il laissé entendre.
Des amendements pour corser les conditions de candidatures à la présidentielle
La commission des lois a reçu et accepté des amendements du député Augustin Ahounavoebla sur les conditions de candidtaures à la présidentielle, notamment concernant les parraianges. Selon l'article 132 nouveau, tout duo candidat à la fonction de président et vice-président devra être parrainé par au moins 15 % de l'ensemble des élus députés et maires, contrairement au 10 % actuel. L'amendement de cet article 132 ajoute que ces 15 % de parrains doivent provenir d'au moins 3/5 de l'ensemble des circonscriptions électorales législatives. Le même amendement propose qu'un député ou maire ne peut parrainer qu'un candidat membre ou désigné du parti sur la liste duquel il a été élu. Toutefois, nuance l'amendement, en cas d'accord de gouvernance avant le dépôt des candidatures à l'élection présidentielle et déposé à la CENA, le député ou maire peut parrainer un candidat de l'un ou l'autre des partis signataires de l'accord.
Les amendements adoptés
Le parlement a adopté les propositions de loi modifiant et complétant le Code électoral par 79 pour, 28 contre et une abstention
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