Les web-humoristes en résidence de création de contenus pour la santé sexuelle et reproductive des adolescents et jeunes béninoisà Bohicon en janvier 2025
Pas moyen de s’ennuyer en leur compagnie. On rit, on rit et on rit. Dah Ayato, le duo Gros et Métis, Fifamè Dohou encore connue sous Erie, Chef Godji, Florie229, les jumelles Marianne et Marielle, Ahooto Autorité et Faissou se taquinent les uns les autres sans cesse et multiplient les drôleries comme dans leurs quotidiens. Réunis en résidence de création cette dernière semaine de janvier 2025 dans la ville de Bohicon sur invitation de l’Association béninoise pour le marketing social et la communication pour la santé (ABMS), ces figures de l’humour sur le web béninois se penchent sur la problématique de la santé sexuelle et reproductive.
Depuis quelques années, ils usent de l’humour pour évoquer la santé sexuelle et reproductive des adolescents et jeunes notamment. Sur les réseaux sociaux, les habitués des canaux digitaux d’“Amour et Vie”, un programme de l’ABMS réputé auprès des adolescents et jeunes béninois, les ont déjà découvert à l'œuvre. Dans cette vidéo diffusée en juillet 2023 intitulée” Tu es trop bête, je crois que je suis bête “ on aperçoit les illustres comédiens traiter de l’abstinence sexuelle et de la pression que les jeunes se mettent entre eux pour goûter au fruit défendu.
Le court téléfilm de 2 min 34 s où Gros apparaît dans le rôle du petit ami poussé à faire pression sur sa chérie pour rompre son engagement d’abstinence sexuelle arrive à la conclusion que “Chacun a le droit de décider de sa sexualité. L'acte sexuel n'a jamais été et ne sera jamais une preuve d'amour”.
Dans cette autre vidéo, les humoristes Dah Ayato, Florie 229 et Ola mettent en scène la nécessité pour les parents d’inscrire l’éducation sexuelle dans les discussions avec les enfants à domicile. En 03 minutes, les 03 comédiens montrent comment un père conservateur et rébarbatif, sur le conseil avisé de son épouse, a revu sa position pour décider de prendre le pas sur la rue et de parler de sexualité avec sa fille, une collégienne très curieuse sur le sujet. “ La sexualité, c'est toujours mieux d'en parler en famille entre parents et enfants.”, recommande ce court métrage.
Un public réceptif à des créations qui lui conviennent
Auprès du public, cette tendance connaît du succès. Les centaines de commentaires enregistrées sous les publications témoignent de l’intérêt du public pour les sujets abordés dans les capsules vidéos.
Sur l’un des téléfilms les plus visionnés diffusé en juin 2024 qui caracole avec plus de 425.000 vues enregistrés, le message des humoristes sur les risques du multipartenariat sexuel a suscité plus de 560 réactions. “Ils ont passé un message très fort. Merci beaucoup à vous les gars”, a félicité, J-B Avocètien dans l’un des centaines de commentaires sous la vidéo. Avec humour et satire, cette création démontre que “le multi partenariat sexuel augmente les risques d’infections sexuellement transmissibles et de grossesses non désirées”.
“L'humour au service de la sensibilisation des Jeunes . “, a apprécié Léonide Alexandre, un jeune internaute, en commentaire sous une de ces vidéos qui totalise plus de 111 partages et près de 10 000 mentions. “Chers parents, c'est votre devoir pour l'éducation de vos enfants”, a prié le jeune Ghislain Djossou, sous la vidéo évoquant le dialogue parents-enfants sur la sexualité.
Au-delà des réactions sur Facebook, Flavien Aïdjinou, spécialiste en communication et formateur surnommé “le sportif de la parole” a partagé avec Banouto ses appréciations techniques. Après avoir visionné les contenus à lui soumis, Flavien Aïdjinou note que les créations diffusées contiennent “un ensemble d’éléments plaisants qui permettent de passer un message précis mais aussi, à quelqu'un qui suit de prendre conscience et d’adopter des comportements sains pour ne pas tomber sous le coup de certaines choses qui peuvent hypothéquer sa vie”.
Pour ce qui est de l'approche, le spécialiste en communication la trouve bien inspirée. “Aujourd'hui tout le monde, avec son téléphone, est sur les réseaux sociaux. Les gens, il faut aller les chercher là où ils sont. Et donc, de ce point de vue, le programme Amour & Vie a vu juste en associant ces personnes intelligentes qui drainent du monde sur les réseaux sociaux pour passer un message précis.”, juge-t-il.
Consultant de longue date avec un engagement assumé pour les droits à la santé sexuelle et reproductive (DSSR), Flavien Aïdjinou connaît le programme Amour & Vie depuis une quinzaine d’années et connaît les thématiques dont traitent les web-humoristes dans leurs créations. Il observe qu’avec le temps, les contextes évoluent et le programme de l’ABMS a sû s'adapter pour avancer et atteindre des objectifs. “ Il y a 10 à 15 ans, j'étais engagé dans la lutte contre le VIH, les violences basées sur le genre, la défense des droits à la santé sexuelle et reproductive des adolescents et jeunes. Il faut dire que c’était les mêmes thématiques. Ça veut dire que chaque génération a son temps pour passer de l’adolescence à la jeunesse. Je dis donc que ce que font ces jeunes créateurs de contenus est très atypique et très adapté aujourd'hui à la cible étant entendu qu’en notre temps, il n'y avait pas les réseaux sociaux. On devait aller dans les communautés, les écoles, les mairies et les centres de jeunes.”, a-t-il souligné.
Habitués des réseaux sociaux, les artistes qui participent à cette sensibilisation ont aussi une idée du succès enregistré. “Si le message passe bien avec nous, c’est à cause de l’humour que nous mettons dans le traitement des sujets de santé sexuelle que certains parents ont encore du mal à aborder à la maison avec leurs enfants même si ça ne devrait plus être tabou aujourd'hui avec les réseaux sociaux et internet.”, a expliqué Samba Sourou Marcel plus connu sous ses multiples noms de scène Dah Ayato, Ma frère ou Messibatô. “Nos abonnés pensent parfois que les messages que nous passons viennent de nos vécus et les prennent comme moyens de leur éviter de tomber dans les mêmes pièges.” a-t-il renchéri.
Des sacrifices pour être utile à sa communauté
Suivis dans les rues de Bohicon et d’Abomey où ils se sont réunis mercredi 29 janvier 2025, sous un soleil de plomb en pleine période de forte chaleur au Bénin, pour une nouvelle série de créations destinées à la sensibilisation des adolescents et jeunes en matière de santé sexuelle et reproductive, ces comédiens se donnent un mal fou. Un bruit parasite, un ronflement inattendu de moteur de motos ou des cris d’usagers ou encore une phrase mal formulée peuvent faire reprendre une scène dans laquelle les comédiens se sont donnés à fond.
Kessou Mohamed Awal connu sous son nom d’artiste Gros, membre du très populaire duo Gros et Métis, est l’homme orchestre du groupe d'humoristes. Au deuxième jour de leur rencontre, lui et ses camarades ont dû travailler jusqu’à 23 heures pour peaufiner les idées avant le tournage qui doit se faire le lendemain. Pour arriver à tout ça, explique-t-il, “les premier et deuxième jours, nous échangeons. Il y a la clarification des valeurs. On développe les thèmes, on explique pour que les comédiens, les acteurs soient quand même fixés sur ce qu’ils ont à faire”.
Connue sur les réseaux sociaux par son aka Florie229, Davito Christelle est une habituée de ce rendez-vous de création sur les DSSR. Pour elle, c’est un plaisir d’y participer parce que, justifie la comédienne, “grâce à nos vidéos et nos posts plusieurs personnes, plusieurs jeunes ont la chance de s'informer plus sur les risques à ne pas prendre en matière de sexualité.”
Débordant d’énergie et d’engagement sur les plateaux de tournages, Ahooto Autorité participe pour la première fois à ces rencontres de création pour la santé sexuelle des adolescents et jeunes. Malgré l’épuisement en fin de journée de tournage, il se réjouit d’avoir participé à l’initiative. “Quand nous étions encore collégiens, je cotisais mon argent de petit déjeuner pour acheter le magazine Amour & Vie que j’aimais beaucoup. Quand j’ai reçu l’invitation de l’ABMS, ça m’a réjoui parce que cette participation m’offre l’occasion d’apporter ma pierre à l’édifice de la sensibilisation des adolescents et jeunes.”, témoigne l'humoriste.
Pour les organisateurs, ces artistes web-humoristes qui acceptent bénévolement de donner de leur temps et de leur énergie dans une cause comme celle-ci sont des exemples. Leur engagement, reconnaît Kounourah Jean-Eudes Dakin, coordonnateur de la communication mass-média et digitalisation à l’ABMS, “c’est un témoignage de leur marque de responsabilité sociale” envers la communauté des internautes qui les suivent. Avec eux, se réjouit-il, “l'ABMS dispose d’un réseau d’influenceurs digitaux engagés pour la promotion de la santé, les droits sexuels et reproductifs (SDSR) à travers la création de contenus.”
Apprendre pour apprendre
En même temps qu’ils s’investissent dans la sensibilisation, les web-humoristes saisissent également l’occasion pour en apprendre sur la SDSR. Avant le tournage, les artistes ont eu droit à une présentation sur la vision et la mission de l’ABMS en matière de santé des adolescents et jeunes. Avec le consultant Flavien Aïdjinou, ils ont également eu une session de renforcement de capacités sur “l’art de communiquer pour captiver et inspirer”.
“Il y a des sujets qu'on ne maîtrisait pas. Il y a des trucs inappropriés qu'on pouvait dire dans nos vidéos sans nous en rendre compte. Mais, en faisant ce genre d'atelier, on n'en sort édifié. On acquiert de l'expérience pour savoir que telle chose, si je le dis, ça peut envoyer tout autre message à la jeunesse. On en sort gagnant et on apprend toujours.”, témoigne le comédien Gros.
“ça nous permet aussi d'apprendre sur la santé sexuelle ou la reproduction, de bien comprendre les choses, de savoir quoi faire et quoi ne pas faire”, a également témoigné Florie229.
Convaincus de faire œuvre utile, les web-humoristes ne comptent pas s’en tenir aux vidéos créées dans le cadre des rencontres initiées par l’ABMS. “Cette initiative attire notre attention sur le devoir de contribuer au bien-être des adolescents et jeunes qui nous suivent au quotidien. Nous n'allons plus attendre les invitations d’Amour & Vie pour créér des contenus liés à la santé sexuelle et reproductive.” ont-ils promis avant de se quitter vendredi 31 janvier 2025.
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